Dans le cadre de l’exposition temporaire Le futur dans le Passé du Musée des Mascarons , François Martin a eu la gentillesse de nous partager ses souvenirs liés au temps de la Société du Musée de Fleurier (1859-1969), prédécesseure du MRVT. Trois articles déclinés sous forme de chronique estivale. Bonne lecture !
Rat de bibliothèque
Je commençais le gymnase quand ma mère a été engagée à la Bibliothèque du Musée. Son travail : quatre heures de présence hebdomadaires, une le mardi, trois le samedi. Et je gagnais mon argent de poche en l’aidant le samedi après-midi à remettre des livres en prêt aux usagers abonnés. Je suis donc devenu « rat de bibliothèque ».
Il fallait aussi gérer les nouveaux livres, qui arrivaient munis d’une reliure simple, robuste et anonyme. Ecrire à la plume-réservoir le titre au dos du livre : une certaine dextérité à acquérir, pour un résultat pas toujours très esthétique… Puis leur attribuer une cote indiquant le corps de bibliothèque (nous en étions à la lettre X), le rayonnage, la place du livre sur le rayon. Et les inscrire, à la main toujours, dans « le fichier ». Non, pas un fichier informatique – je n’ai découvert cette espèce que 10 ans plus tard – mais une armoire dont les tiroirs contenaient des « fiches » en carton.
Le salaire de la bibliothécaire : un appartement de fonction de 6 pièces, au sud, mais sans aucun confort. La bibliothèque était installée au nord, dans les anciennes salles d’apparat. Les étagères étaient vissées dans les magnifiques parquets des deux grands salons. Une troisième salle, plus petite, avait servi de salle de lecture, mais était désaffectée depuis longtemps. Comme elle était inutilisée, j’ai demandé qu’on y installe ma chambre.
Rat de bibliothèque ! Pas besoin, pour les leçons de littérature, d’acheter ces petits fascicules Larousse pour écolier. Je passais la porte, et j’avais des milliers de bouquins à ma disposition… Molière ou Balzac, Hugo ou Lamartine, ou encore Ramuz : peu importait l’édition, le texte était le même.
Mais pour Aristophane… Les grands classiques avaient été achetés par la Bibliothèque dans les années 1880 – une époque particulièrement prude. Il fallait alors ménager les chastes yeux des lecteurs. Les termes scabreux étaient « traduits » en français de manière édulcorée; la traduction exacte – en latin… – figurait dans une note en bas de page. On lisait, par exemple : « Ah! ah! J’en vois de drôles ! ». Et en bas de page : « Masturbari ».
Quant aux lectures privées… Alors que mes camarades se régalaient à la lecture des œuvres d’Henry Miller, je découvrais un écrivain de la génération précédente : Pierre Louÿs. Certes, « Aphrodite » et « Les aventures du roi Pausole » étaient d’un langage moins cru que les « Tropiques » de Miller, mais suffisamment érotiques pour émoustiller un gymnasien !
François Martin
De la Bibliothèque du Musée à la Bibliothèque Communale de Fleurier
Les membres de la Commission de la Bibliothèque se réunissaient régulièrement pour décider de l’achat de nouveaux livres. Mais lorsqu’il s’était agi d’éliminer quelques trop vieux bouquins, ils n’avaient pas pu se mettre d’accord et avaient fait appel à un expert extérieur : un vieux bibliothécaire de la Béroche.
Lorsque nous sommes arrivés à la Bibliothèque – je dis « nous » car, si ma mère était la bibliothécaire en titre, je m’y suis suffisamment investi pour avoir l’impression que nous étions un tandem – cette « révision » était en cours. Trop tard pour nous y impliquer…
Tandis que M. Grelet faisait sa révision, nous apprenions, découvrions l’organisation de notre Bibliothèque. Le classement par étagère et par rayonnage, de « A.1 » à « X.5 » – mais pourquoi donc y avait-il un rayon « G.6a » ? Les livres simplement classés par ordre d’entrée – mais pourquoi certains livres, achetés involontairement à double, étaient-ils classés à des endroits différents ? Et le fameux exemple du « Voyage d’un faux derviche dans l’Asie centrale », d’Árminius Vámbéry, dont les trois exemplaires étaient classés une fois sous le nom d’auteur « Árminius », une fois sous « Vámbéry », une fois sans nom d’auteur, sous le titre « Árminius Vámbéry – Voyage d’un faux derviche … » !!!
La grande révision aurait dû être l’occasion de corriger ces anomalies. Mais le réviseur s’est borné à éliminer les volumes trop dépenaillés, et à les retirer du fichier – laissant des trous dans la numérotation… Et, quelques mois après notre arrivée, est paru le nouveau catalogue imprimé pour les usagers, basé sur le fichier tel quel.
J’étais frustré. Ces bizarreries que M. Grelet n’avait pas voulu voir, j’aurais aimé m’y attaquer : motiver ma mère à tout réorganiser, regrouper ce qui allait ensemble, boucher les trous… L’existence de ce catalogue tout neuf nous empêchait de modifier quoi que ce soit…
Et puis la « Bibliothèque du Musée » est devenue la « Bibliothèque Communale de Fleurier », mais rien n’a vraiment changé. « Chouette, avait dit ma mère, me voici fonctionnaire communale, j’aurai une retraite ! ». A quoi le Président de Commune avait répondu : « Oui, une retraite aux flambeaux ! ». La propriétaire de l’immeuble avait demandé que la nouvelle bibliothécaire n’habite pas sur place; mais il n’y avait pas de nouvelle bibliothécaire, et nous – la famille – sommes restés dans le grand appartement…
Nous recevions toujours les nouveaux livres en retard, quand enfin le président de la Commission avait fini de les lire… Et nous recevions aussi des livres plus anciens, que des usagers nous donnaient au lieu de les jeter. Quelques ouvrages intéressants que nous étions contents d’intégrer à nos rayonnages. Mais surtout des Bibles : quand les familles triaient les affaires du grand-père, elles n’osaient pas jeter la Bible et nous l’apportaient…
La Bibliothèque possédait quelques très belles Bibles anciennes. Mais que faire de tous ces exemplaires plus ou moins semblables datant du tournant du siècle ? On peut le dire maintenant – il y a prescription : ils fournissaient un excellent combustible pour le grand poêle en catelles de l’appartement.
François Martin
Fleurier – Ecole et mixité
A l’école primaire de Fleurier – collège de Longereuse en pierre jaune – la plupart des classes étaient mixtes. Mais garçons et filles s’y rendaient par des chemins séparés. La cour de récréation était divisée en deux. Au temps de nos parents, les filles disposaient de la moitié ouest, les garçons de la moitié est. Mais comme il n’y avait pas de séparation physique, les garçons avaient peu à peu agrandi leur territoire. A mon époque, nous occupions les deux tiers de la cour.
Les filles pénétraient dans le bâtiment par la grande porte et le corridor orné d’un bas-relief représentant le Pacte de 1291. Puis elles tournaient à gauche et empruntaient l’escalier ouest. Les garçons entraient par l’étroite porte de service et montaient l’escalier est. Mais – preuve que le bâtiment n’avait pas été conçu pour cette ségrégation – tous les WC étaient situés aux mi-étages de « l’escalier des garçons ». Quand nous croisions une fille, nous savions qu’elle allait aux toilettes…
Tout le contraire à l’école secondaire – au petit collège de la rue du Temple. Une seule entrée, un seul escalier. Mais les classes n’étaient mixtes que pour les branches à option – anglais ou italien par exemple. Ces cours étaient donc les seules occasions de rencontrer des filles – est-ce pour ça que j’ai moins bien appris l’anglais que l’allemand ?
Nous retrouvions la mixité au gymnase, où nous étions si peu nombreux que certains cours – français notamment – réunissaient garçons et filles, 1e et 2e année. Les leçons – allemand par exemple – où, seuls avec les filles de notre âge, nous n’étions qu’une dizaine, avaient lieu dans de petites salles du Bureau Communal. Un hiver où la commune tardait à chauffer le bâtiment, nous avons décidé de ressusciter une coutume des temps anciens : apporter chacun et chacune une bûche pour allumer le poêle…
Et l’anglais ? Celles et ceux qui avaient choisi l’option « scientifique » n’y avaient plus droit : science + anglais auraient fait une heure hebdomadaire de trop… Cette petite heure (en fait 45 minutes), nous l’aurions acceptée sans rechigner – mais c’était interdit !
Quelques classes de l’Ecole Jean-Jacques Rousseau, de la 3e à la 11e Harmos, ont travaillé un semestre sur le thème de l’Afrique pour proposer, conjointement avec le Musée régional du Val-de-Travers, une exposition temporaire. Celle-ci aurait dû avoir lieu à la Pension Beauregard en avril 2020. Au vu des circonstances et pour saluer le travail des élèves, les professeurs du JJR et la conservatrice du MRVT ont décidé de vous présenter quelques facettes de l’exposition de façon digitale.
Cette thématique riche en couleurs a permis aux élèves de développer leur créativité ! Ces jeunes vallonniers et leurs professeurs ont imaginé une diversité d’oeuvres pour un voyage sur le continent africain.
Marie Bourgnon, collaboratrice en conservation du MRVT, a fait découvrir quelques facettes de son métier durant tout le mois de mai sur le Facebook du musée par le biais de vidéos, à retrouver ci-dessous.
Vous aimez jouer ? Visionnez toutes les petites vidéos à plusieurs, allez sur l’Instagram du MRVT, story permanente Quiz matières, et un joueur pose les questions liées aux vidéos aux autres.
Le Musée des Mascarons aurait dû rouvrir le 4 avril 2020. Fermé jusqu’à nouvel avis, Louison Bühlmann, conservatrice du MRVT, a fait découvrir l’exposition temporaire Hommage Instantané – Daniel Schelling durant tout le mois d’avril sur le Facebook du musée par le biais de courtes vidéos, à retrouver ci-dessous.
BONUSdu site internet: les interviews des anciens apprentis, employés et amis de Daniel, à écouter ICI.
Citations écrites par Daniel Schelling dans son dernier agenda
Cette expression signifie aujourd’hui l’argent liquide, celui que l’on peut toucher en pièces comme en billets.
Autrefois c’était pour qualifier les vraies pièces de monnaies; celles, qui de métal pur, sonnaient bien et que l’on pouvait trébucher, c’est-à-dire poser sur le trébuchet, cette petite balance de précision.
Pour le son, certains d’entre nous se souviennent du bruit des pièces sur les tables et les comptoirs. Car jusqu’il y a peu, rappelons-nous l’année 1968, les pièces suisses étaient encore en argent.
Quant à la valeur, elle était en relation directe avec le poids de métal précieux des pièces elles-mêmes.
La stabilité de la valeur des monnaies était exemplaire, comme le franc germinal institué en 1803, malmené pendant la première guerre mondiale et qui ne mourra qu’en 1926. Ainsi il y avait des tableaux de poids et de correspondances de valeurs entre les multiples monnaies qui circulaient dans toute l’Europe. Loin de l’euro aujourd’hui toléré en Suisse, il était alors possible de payer, par exemple en Scandinavie, des marchandises avec des ducats vénitiens. Il s’agissait donc de les peser pour s’assurer de toutes ces diverses pièces. D’abord parce que certaines étaient mal connues, ensuite pour vérifier leur réel poids et mettre à jour des fausses pièces, faites d’alliages plus légers, ou encore des vraies trop usées ou rognées. Pour éviter cette méthode discrète et malhonnête de gagner un peu de métal précieux sur la tranche de chaque pièce, les pièces de monnaies portaient des cannelures ou un texte.
Aujourd’hui les balances ont évoluées. Sur la base du poids d’une certaine quantité de pièces, elles peuvent nous indiquer le total de pièces sur leur plateau.
Et les pièces portent toujours sur la tranche des stries, maintenant pour aider les malvoyants à les identifier.
Benoît Conrath
La bible en vitrine
Jusqu’en 1950, le clivage entre catholiques et protestants était important. Tout d’abord, il y avait les cantons protestants et ceux qui étaient restés catholiques, ensuite les personnes ne voyageaient pas beaucoup et la mixité, le brassage des populations comme l’accueil des réfugiés n’étaient pas à l’ordre du jour.
La religion protestante est centrée sur la bible. C’est «l’Écriture», c’est le Livre, la Bible avec des majuscules. Avec l’arrivée de l’imprimerie, la bible va pouvoir arriver dans les foyers. Elle va être rédigée en français et va être lue par le père de famille autour de la table.
Ainsi les protestants vont apprendre à lire. Ensuite les principes propres à cette religion, comme la responsabilité individuelle face à Dieu et le refus d’une médiation avec lui via le clergé ou les saints, font que les protestants sont assidus au travail et prennent en main leur destin. La population des Montagnes Neuchâteloises, réformée, va donc travailler beaucoup. Plus que les rigueurs du climat qui laissaient du temps aux habitants en hiver, c’est beaucoup le protestantisme qui a invité les paysans du Haut à s’activer; l’oisiveté n’a pas lieu d’être et le Salut s’acquiert par l’activité et la louange. Avant l’horlogerie, c’est le travail du fer, celui de la dentelle et d’autres encore qui sont pratiqués.
Arrive l’horlogerie de gros et petit volume au tournant du 18e. Jean-Jacques Rousseau nous décrit des fermes où toute la famille s’active. Certains sont à l’établi, d’autres dessinent et pourront alors retranscrire des thèmes de décoration en gravures; l’étude de la musique n’est pas oubliée car elle permettra d’accompagner la louange au temple. Et au milieu de ces activités efficaces et rentables, il y a la bible qui sera lue et relue, qui sera ouverte aux moments heureux comme malheureux. Et sa première page portera, de la main du chef de famille, la mention des naissances et des décès. Oui, la Bible comme compagne et témoin de tous les jours.
Benoît Conrath
Une arme multifonctions : la hallebarde
Cette arme, due à l’ingéniosité des premiers confédérés, a servi à appuyer notre liberté face aux Habsbourg. Comme les couteaux suisses, inventés un peu plus tard, elle est très polyvalente et ses multiples fonctions l’ont très vite fait adopter par les pays environnants.
Avec sa longue pointe et son manche figé au sol, elle permet de stopper les charges des chevaux en frappant d’estoc, avec sa lame de hache elle peut frapper de taille et avec son crochet son porteur peut espérer désarçonner le cavalier. Cet outil polyvalent est fixé sur un long manche qui permet de se tenir à bonne distance des armes de l’adversaire. Dès après la virole, le haut de la hampe est protégé des lames par des bandes de métal.
Détail non sans importance, un ou des pompons sont fixés près du fer. Loin de la décoration, leur rôle est très concret, c’est d’éponger le sang de l’ennemi qui n’ira donc pas poisser le manche. Et elle porte des marques, poinçons ou découpes pour la reconnaître avant comme après les batailles qui regroupaient plusieurs compagnies de suisses de divers cantons.
Ces fonctions diverses appellent des duretés, des souplesses d’acier différentes. Il revient au constructeur de réaliser, d’assembler, de souder ensemble plusieurs pièces à la forge.
Nous ne sommes vraiment pas loin du couteau suisse, lui aussi pensé polyvalent pour répondre aux besoins du soldat confédéré, à la différence que celui-ci a choisi depuis longtemps la neutralité.
Devenue désuète dès l’arrivée du mousquet et condamnée par la baïonnette, la hallebarde est restée l’arme de prestige de la Garde suisse pontificale ou ici des gardes-foires du Vallon.
Benoît Conrath
Les clefs des fenêtres en attente
Souvent les ouvertures ménagées dans les façades des bâtiments pour les portes et les fenêtres sont en forme d’arcs. Elles sont construites avec des pierres taillées en cintre nommées claveaux ou clefs. Réparties équitablement, ces pierres font place au centre à une clef symétrique qui peut porter une date, des lettres ou être sculptée. Très à la mode au tournant du 18e siècle, ces pierres portent des figures humaines inspirées de la tradition du théâtre antique avec une chevelure parfois indomptée et des traits forts exprimant des émotions non contenues. En architecture, on appelle cela un grotesque ou un mascaron.
Contemporaine de cette époque, la Maison des Mascarons porte ainsi des têtes sculptées au-dessus des portes et des fenêtres. Sans doute représentant les quatre saisons en façade sur la rue, elles sont ailleurs variées. Elles se sont vues aussi parfois mutilées par les agrandissements des portes. Et d’autres sont en attente, elles n’ont pas été taillées, certaines portent un tracé à la sanguine mais elles attendent toutes le ciseau du sculpteur qui les animera.
Pourquoi ne sont-elles pas finies ? C’est difficile à dire: changement de mode, caprice du propriétaire, décès du sculpteur ou d’un habitant, remarques acerbes d’une personne qui s’étonnait de la légèreté de ces sculptures. Les suppositions ne manquent pas.
Et pourquoi ne les finissons-nous pas? Ces clefs en attente de taille ne seraient-elles pas une invite à s’exprimer pour les artistes qui rôdent régulièrement dans le village de Môtiers ? Alors, au lieu de construire ex nihilo des masques non-figuratifs; en continuité avec l’excessivité des expressions exprimées, les artistes pourraient rechercher des trognes locales. Ce serait un choix ardu car les personnes de tête ne manquent pas par ici.
Oui, loin du respect du passé et du souci de maintenir en l’état un bâtiment historique, c’est peut-être la difficulté de choisir les têtes à faire figurer au-dessus des fenêtres qui continuent d’interdire la terminaison de ces clefs.
Benoît Conrath
La machine à tailler de Bernet
Il y a dans les ateliers des machines importantes. Importantes car elles sont très utiles, d’un grand coût et souvent transmises de génération en génération. Cette machine à tailler les engrenages en est un bel exemple. Datant du 18e siècle, elle avait sa place dans l’atelier du père Bernet, comme elle aurait pu encore être utile ailleurs jusqu’en 1950, voire encore aujourd’hui. Elle a pour rôle de tailler la denture des roues des pendules.
Sommairement découpée, la rondelle, qui deviendra la roue, est fixée sur l’axe du plateau diviseur. Un curseur est positionné sur la rangée de divisions adéquate ou son multiple, par exemple la rangée de 168 permet de tailler 168 dents ou 84 en sautant un trou sur deux, ou encore 56 en en sautant deux sur trois ou encore 42 en en sautant trois sur quatre. Bien qu’il permette d’économiser des lignes de divisions, ce système demande beaucoup d’attention avec les sauts de trous à respecter impérativement.
Division après division, l’horloger fait tourner l’axe du plateau qui porte la rondelle et la fraise, entraînée à la main, taille la denture, dent après dent. Il s’agit de tailler 3-4 dents d’un côté de la rondelle puis 3-4 dents de l’autre côté afin de vérifier le bon diamètre de la future roue avec le pied à coulisse. Si c’est bon, le taillage de la roue peut continuer. Sinon, il s’agit d’avancer le porte-fraise pour diminuer le diamètre de la roue.
Passage de fraise après passage de fraise, la roue prend forme. A la fin, il peut y avoir un peu de tension chez l’horloger au moment de tailler la dernière dent ; car elle doit évidemment avoir les mêmes dimensions que ses voisines.
Puis la nouvelle roue, retirée de la machine, doit être croisée. Le traçage se fait en s’appuyant sur le nombre de dents très souvent divisibles par le nombre de bras, 4 ou 5, et ils sont ensuite découpés.
La dernière opération, c’est la fixation du disque de la roue (la planche) sur l’axe via une siette, cet anneau de laiton solidaire de l’axe, ou alors directement sur les ailes du pignon.
Restera à mettre entre les broches du compas aux engrenages la roue et le pignon pour valider le passage des dents dans les ailes du pignon en approchant ou en écartant les deux mobiles. Pour un rhabillage, l’ouverture du compas est prise sur la platine de la pendule. Pour une construction neuve, une fois l’engrenage « fait », les pointes des broches du compas permettront de reporter la distance des centres sur la platine afin de la percer pour planter le rouage.
Beaucoup de mots techniques autour de ces opérations, tellement imagés qu’ils sont presque facile à comprendre.
Benoît Conrath
La boîte en porcelaine chinoise
Les objets durent plus longtemps que les personnes et souvent leur histoire se perd. Entre le temps qui gomme les informations, un legs confus à la suite d’un décès et la très actuelle fugacité de nos passions, les reliques du passé tournent et circulent de mains en mains; quand elles ne finissent pas irrévocablement à la poubelle. Parfois certaines choses remontent à la surface de l’oubli grâce à la perspicacité des connaisseurs. Alors l’objet renoue avec l’histoire, grande ou petite.
Ainsi lors d’une brocante dans la région, l’œil affuté de la conservatrice honoraire a permis au MRVT d’acquérir cette boîte.
Sur son couvercle, figure un étonnant contraste entre de grands bâtiments avec des drapeaux européens en arrière-plan et un port. La berge est animée de personnages et de bateaux de type asiatique. Il s’agit d’une vue emblématique, aisément reconnaissable, du port de Canton.
Durant le 19e siècle, la Chine présentait de belles occasions de faire du commerce. Imposée à la suite de conflits entre les britanniques et l’Empire du Milieu, la présence de commerçants étrangers n’était que tolérée et seulement dans certains ports. Les négociants européens n’avaient pas le droit d’entrer dans le pays ni d’y commercer directement. Ils restaient donc sur de toutes petites surfaces, les concessions, avec leurs bureaux, leurs entrepôts et leurs logements. Dûment repérables par leurs drapeaux, les « factoreries » abritaient ces micros-sociétés qui regroupaient des commerçants de nationalités diverses comme des anglais, des français, des suisses, des hollandais, des américains ou encore des scandinaves. Là, ils recevaient les marchands chinois pour leur vendre des objets venus d’Europe, voire le très controversé opium indien et ils leur achetaient en retour du thé, de la soie, des porcelaines et des « chinoiseries » comme cette boîte. C’est à cette époque que des montres construites dans notre vallée, d’un type dit « chinois » ont fait la renommée de Fleurier. Reste de ce commerce lointain, outre de belles histoires, des demeures remarquables au pied du Chapeau de Napoléon, des montres qui ne sont jamais parties en Chine et parfois des objets qui réapparaissent, comme cette boîte, à Valangin.
Benoît Conrath
Des fenêtres ajoutées aux façades
Au tout début du 18e siècle, les habitants du Val-de-Travers se sont mis à l’horlogerie. Cette activité se pratique autour d’un établi, une forte table assez haute. Parce qu’une bonne lumière est indispensable, les établis sont placés derrière des fenêtres. Comme les ateliers regroupent alors plusieurs personnes, il faut donc avoir plusieurs fenêtres accolées. Dans les maisons villageoises, comme dans les fermes, les habitants pratiquent des ouvertures supplémentaires dans les façades; parfois, en doublant les fenêtres, parfois, en les agrandissant, ou encore, en en ouvrant des nouvelles, plus grandes qu’à l’origine. La grammaire des bâtiments s’en trouve bouleversée, comme très rapidement l’ensemble du tissu économique régional lorsque l’horlogerie prend de l’importance.
C’est le cas de la façade sur la cour des Mascarons, avec ses deux fenêtres supplémentaires encadrées par des moellons gris.
Ensuite, et jusqu’à la presque fin du 19e, dans chaque village des maisons sont bâties avec des grandes rangées de fenêtres. Ces constructions spécifiques sont pensées pour héberger les travailleurs dans les étages inférieurs et les ateliers en haut, sous les toits. Là derrière ces grandes baies, s’active à l’établi la famille entière avec, souvent, quelques ouvriers. Quant à l’orientation, les constructeurs évitent le Sud; car à la violence du soleil, ils préfèrent le Nord pour la douceur de la lumière. La hauteur de l’atelier donne du dégagement et permet de lever les yeux de son ouvrage pour les reposer en voyant loin, elle garantit aussi une lente évolution de l’intensité de la lumière. Quant à la pureté de nos ciels automnaux et hivernaux, elle encourage les horlogers à bien visualiser la qualité de leurs travaux.
Vient ensuite le temps des fabriques, de la séparation entre habitat et atelier et l’arrivée de l’électricité. Encore une étape qui modèle l’urbanisme de nos vallées. Le dernier temps de cette évolution se vit maintenant avec la transformation de plusieurs fabriques en habitat et la construction d’usines horlogères.
Et tout cela se lit dans notre environnement comme un livre ouvert.
Benoît Conrath
Chaleur à conserver : doubles fenêtres et autres astuces
Dès la fin de l’été, le froid s’installe peu à peu dans nos régions. Il est temps d’allumer la chaudière et de démarrer le chauffage de nos appartements modernes. Toutes les pièces seront donc à 20°, et la cave sera peut-être difficile à maintenir au frais. Derrière nos doubles-fenêtres, bien au chaud partout, nous verrons dehors la pluie, la neige, la froidure assaillir le jardin et les passants.
Les pratiques d’autrefois sont aujourd’hui désuètes. La première était de ne chauffer que certaines pièces comme la cuisine et la « chambre ». La cuisine se chauffait d’elle-même puisque l’on y brulait du bois pour y cuisiner. La « chambre », cette pièce où l’on se tenait, où l’on passait le temps de la lecture, de l’ouvrage et des échanges était dotée d’un poêle à bois. Quant aux pièces à dormir, elles n’étaient pas chauffées, parfois tempérées mais guère plus. Et les corridors et les resserres étaient laissés aux températures extérieures, on y passait juste.
Le bois de chauffage, comme les autres combustibles, constituait une dépense importante pour les ménages. D’autres matières complétaient les moyens de chauffage comme le charbon, onéreux mais aussi capable de chauffer plus densément, les briquettes de charbon qui étaient utilisées souvent pour faire durer la nuit le feu du poêle ou encore, dans nos hautes vallées, la tourbe qui a l’avantage de bruler lentement, l’idéal pour le mitonnement de certains plats mais le désavantage de laisser des cendres en grandes quantités.
Depuis toujours, le meilleur moyen d’avoir chaud est de ne pas laisser entrer le froid. Quelques techniques utilisées autrefois sont encore visibles dans plusieurs logements anciens.
Ainsi les numéros tracés dans les embrasures des fenêtres correspondent aux paires de volets et de doubles fenêtres ajustées à chaque ouverture. Car aux changements de saisons, les occupants étaient invités à remplacer les volets par des doubles fenêtres et réciproquement.
Placés entre les pièces, les seuils intriguent les occupants actuels. En arrivant en butée contre un petit seuil, le panneau de la porte limite les vents coulis, l’une des préoccupations de nos anciens pelotonnés près du poêle. Les courants d’air sous les portes étaient encore freinés par de vieilles couvertures, roulées. Des boudins de chiffons étanchaient encore les fenêtres; des doubles portes dans les corridors empêchaient la bise de glacer l’entier de la maison à chaque entrée ou sortie. Sans compter l’invitation aux visiteurs d’opter pour une porte moins ventée, voire le calfeutrage et la condamnation de celles jugées trop gourmandes en calories. Quant aux lourds rideaux, ce n’était pas qu’une mode et un souhait de ne pas laisser voir son intérieur, c’était aussi un moyen efficace de contrer le froid, ce froid qui n’avait que l’envie d’entrer par les portes et les fenêtres.
Cette lutte était un vrai défi de chaque instant, mais alors on était si bien au chaud contre le poêle à sommeiller légèrement.
Benoît Conrath
Atelier ou ménage ?
L’électricité est arrivée lentement dans le quotidien de nos proches aïeux. Il s’agissait d’une chose nouvelle et dangereuse. Sa technique de distribution effarerait encore la personne raisonnable. Les fils nus, à peine isolés avec de la gutta-percha, une gomme naturelle maintenue dans un maillage de coton, couraient à ras du plafond des maisons, traversaient les parois boisées via des isolateurs en porcelaine. Même avec un petit voltage et une faible intensité, les électrocutions, comme les étincelles et les surchauffes, étaient fréquentes. La nuit, comme lors des absences, un interrupteur général permettait la mise hors-tension de ces circuits douteux et inquiétants. Souvent mêmes les plus hardis bricoleurs, rompus aux tâches ardues et compliquées, s’abstenaient de manipuler cette nouvelle énergie invisible, ressentie comme presque sournoise.
Dans la vie quotidienne, il en fallait si peu d’électricité ! Pas de machines pour scier le bois ni bricoler, pas plus d’électro-ménager, ni de chauffage ou autre appareil domestique. Le premier rôle de cette fée électricité a été de fournir de la lumière. Alors dans les maisons du Val-de-Travers, là où les horlogers travaillaient à l’établi derrière de grandes fenêtres pour recevoir le plus de lumière naturelle et gratuite, on a commencé à éclairer le matin et le soir comme sur cet interrupteur soit le ménage, soit l’atelier. Pas d’ostentation, pas de luxe dispendieux, non, juste une ampoule nue à la cuisine, peut-être à la chambre, et un quinquet avec son abat-jour sur l’établi.
Cette électricité était produite par des turbines mises en place dans les rivières, ou au pied de barrages. Encore entre les deux guerres, comme la population n’en consommait pas assez, les sociétés productrices d’électricité organisaient des campagnes de promotion. Par exemple à Couvet, il y eut des illuminations de bâtiments, associées à une puissante promotion de potagers électriques et de radiateurs. Imaginez, Mesdames, plus besoin de bois, de briquettes! Quelle modernité!
Benoît Conrath
Terminologie horlogère
Faire parler un horloger à l’établi n’est pas toujours simple. Tout à leur ouvrage, certains se tairont car ils n’ont pas envie d’expliquer ce qu’ils font, tout simplement. D’autres, plus bavards, se lanceront dans des explications précises, pleines de termes techniques et là c’est le néophyte qui reste coi, abasourdi par tous ces mots abscons.
Alors comment comprendre ce qui se passe sur l’établi ? Eh bien tout simplement en s’intéressant aux outils des horlogers.
C’est une longue histoire de fidélité entre l’horloger et ses outils. Elle commence dès l’apprentissage, là où le jeune apprendra à en façonner plusieurs à la lime et au tour. Il va les manier, apprendre à les connaitre, à les nommer, à les soigner. Il va les apprivoiser, les apprendre, les sentir et comprendre ce qu’ils peuvent faire avec les doigts encore malhabiles de l’apprenti. Ils vont gagner en valeur à ses yeux, ils lui seront précieux, car achetés neufs, ils sont chers, mais aussi car remis par des anciens horlogers ou encore transmis par héritage. Semaine après semaine, ils deviendront des compagnons de tous les instants. Encore aujourd’hui, les horlogers n’envisagent pas facilement d’aller travailler sans leurs outils qu’ils connaissent.
Alors faire parler intelligiblement des horlogers, mêmes les plus mutiques, c’est possible. Demandez comment s’appelle cet outil qu’ils ont en main et à quoi il sert. Avisez sur l’établi, celui qui détonne par son aspect fatigué et demander pourquoi il a l’air vieux. L’artisan se dévoilera, un peu, pour vous nommer l’objet, vous signifier son rôle et sa provenance. Pas de pitié pour l’outil fatigué ; si ce vétéran est encore présent c’est qu’il assume totalement son rôle toujours et encore après 50, 100 voire 200 ans.
Et leurs noms sont si explicites, si simples à comprendre : l’outil aux équilibres sert à équilibrer les balanciers, le tournevis tourne les vis, le burin pour les gorges de tiges de remontoir eh bien celui-ci sert à faire les gorges des tiges de remontoir ; quant à la pince à couper les spiraux comme aux brucelles à lever les courbes ou encore celles à marquer les points de comptage, de grâce ne demandez pas leur usage, il est formulé dans leur nom, mais plutôt quand et où ils interviennent. Et là, là s’ouvre souvent un bel espace d’échange. Il est si imagé, si beau et parfois si poétique notre métier de compteur de Temps, parfois aussi de conteur d’antan.
Benoît Conrath
Coup d’oeil surune pendule neuchâteloise
Souvent dans les musées figurent des objets qui ont besoin d’être expliqués. Le monde a tellement changé et si vite. Alors voir contre un mur une vieille horloge noire et dorée avec trois aiguilles dans une boîte vitrée avec des ficelles qui en sortent appelle des explications.
C’est une pendule neuchâteloise grande sonnerie dans sa lanterne, le tout vieux de 150 à 200 ans. Ce type de pendule représente l’âge d’or de la pendulerie neuchâteloise. Débutée dans les fermes des hauteurs jurassiennes, au milieu du 17e siècle, la construction des pendules atteignit son apogée tant en quantité produite qu’en complexité entre 1830 et 1880.
Dans ces temps sans électricité, il était difficile de connaître l’heure la nuit sans allumer une bougie. Les paysans-horlogers ont donc imaginé des pendules qui pouvaient sonner durant la nuit les heures et, qui, à chaque quart d’heure résonnaient les heures puis les quarts d’heure. Et si on n’avait pas bien entendu, ou si on n’avait pas la patience d’attendre le quart d’heure suivant pour savoir l’heure qu’il était, il y avait la ficelle. Partant de la pendule et allant parfois même jusqu’au lit, on la tirait et elle mettait en marche la sonnerie. Un levier permettait de choisir le type de la sonnerie soit la grande sonnerie décrite plus haut, soit la petite sonnerie qui voit la pendule ne sonner que les heures puis que les quarts, soit en dernier lieu la position silence qui n’a pas besoin d’être expliquée.
Reste la 3e aiguille. Tournée à la main, elle indiquait l’heure du réveil. Remonté par un autre cordon, ce réveil ne s’arrêtait pas avant d’être totalement désarmé. Eh oui, difficile de se lever du lit pour aller l’arrêter, alors nos pragmatiques horlogers n’avaient rien prévu pour.
La boîte vitrée, elle, est appelée lanterne. Son rôle était de protéger la pendule car les maisons étaient moins propres. En se chauffant au bois ou à la tourbe et avec des ouvertures pas toujours bien étanches, les poussières ne manquaient pas et il n’y avait même pas d’aspirateur, pour dire !
C’était le chef de la famille qui s’occupait de la pendule. Il la soignait en la remontant avec une clef une fois par semaine. Il fallait aussi l’entretenir quand elle faisait la folle en retardant ou en s’arrêtant avant la fin de la semaine. C’était le moment de la confier à l’horloger, qui n’était jamais loin dans ce monde de l’établissage. L’homme la démontait entièrement, la nettoyait soigneusement et la remontait ensuite en remettant de l’huile aux bons endroits tout en inscrivant au dos de la porte de derrière la date de son intervention, après celles des années précédentes.
Quant à la lanterne, c’était parfois le lieu où on mettait les choses précieuses, celles de la famille, les premières photos, les médailles reçues, les mèches de cheveux des enfants disparus, tant de petites choses qui marquaient la vie familiale.
Et puis lorsque que la maisonnée se défaisait, au décès des parents, c’était le fils aîné qui reprenait la pendule, cet objet précieux transmis de fils aîné en fils aîné.
Ah bon et tout cela c’est au passé? Eh oui, les pendules neuchâteloises n’intéressent plus grand monde. Leur valeur marchande s’est vue diminuée de 20 fois en 40 ans. Et il n’y a bientôt plus que les musées et quelques passionnés qui apprécient la rustique complexité de ces belles mécaniques hors du temps.
Benoît Conrath
Un fleurisan prix Nobel de physique en 1920
Le jeudi 10 décembre 2020, cela aura fait 100 ans que Charles-Edouard Guillaume a reçu le prix Nobel de physique à Stockholm en Suède. Lors du banquet clôturant la journée, le docteur Guillaume prononce une allocution dans la langue commune à tous, c’est-à-dire le français. Dans son discours, il relève l’honneur rendu à deux pays ; la Suisse, pays de son enfance dont il a gardé la nationalité et la France, le pays qui a abrité la presque totalité de sa vie d’homme de science.
Dans son enthousiasme à louer la Suède, il s’autorise à relever la curieuse ressemblance de la campagne environnant Stockholm avec les pâturages jurassiens !
Oui vraiment étonnant de rapprocher la multitude des plates iles suédoises affleurant la mer Baltique aux hautes vallées jurassiennes.
Pourtant le fleurisan n’a pas oublié son village. Il retourne chaque année dans l’ancienne ferme neuchâteloise, proche de l’Hôtel de Ville, là où vit sa mère. Tout comme il entretenait des relations épistolaires avec la Société du Musée de Fleurier, devenue le MRVT. Nous exposons dans l’une de nos salles, le fac-similé de sa médaille Nobel et une radiographie d’une main, une nouveauté qu’il a envoyé au musée pour expliquer cette invention.
Aujourd’hui, une plaque de bronze signale la demeure familiale :
« Dans cette maison est né le 15 février 1861 Ch. Ed. Guillaume, prix Nobel de physique, inventeur des métaux Invar et Elinvar, dont les travaux contribuèrent aux progrès de l’horlogerie et de la chronométrie ».
Une longue suite de mots pour saluer la mémoire d’un amoureux de la précision.
Très vite après sa sortie de l’école polytechnique de Zurich, Charles-Edouard Guillaume entre au Bureau international des poids et mesures (BIPM) à Sèvres près de Paris. Il y passe toute sa vie professionnelle et y mène de longues recherches avec des métallurgistes français et allemands autour d’alliages ferronickel. De ce qu’il appelle une anomalie dans la dilatation de certains alliages et après avoir étudié près de 600 métaux différents, il arrive à déterminer la formule de l’Invar, soit 36% de nickel et 64% de fer.
La première utilité de ce métal aux dimensions invariables est de remplacer les lourds et couteux mètre-étalons, ces barres d’un mètre de long auparavant réalisées en platine. D’autres fonctions sont vite trouvées comme les thermomètres, baromètres et des appareils de mesure géodésique.
Natif de Fleurier, village horloger, notre physicien a proposé l’Invar comme tige du pendule des horloges de précision. Cette stabilité dimensionnelle aux températures l’a incité à mettre au point un autre métal, l’Elinvar. Ce métal présente une caractéristique essentielle pour l’horlogerie, celle d’une élasticité constante. Ici, c’est le spiral qui va profiter des travaux du Docteur Guillaume. Au chaud comme au froid les montres vont voir leur précision augmenter grandement. Sensible aux souhaits des horlogers de toujours accroitre la tenue de l’heure de leurs chronomètres, il mettra ensuite au point l’Anibal, un autre alliage de grande stabilité pour la construction des balanciers.
A la fin du 19e siècle, les activités horlogères quittent les ateliers familiaux pour se regrouper dans des fabriques. Des marques de fabriques sont lancées, on voit apparaître sur le cadran, sur le fond des montres de poche des inscriptions en anglais. Toutes se référent à l’horlogerie américaine, vue comme progressive. Ainsi fleurissent les xxx Watch & Co comme les prénoms anglophones pour les rejetons des horlogers.
Un peu irrité par cette mode, Charles-Edouard Guillaume tient à nommer les alliages qu’il a développés de noms évocateurs en français : Invar pour invariable, Elinvar pour élasticité invariable alors qu’il s’amuse de la martialité de l’Anibal pourtant bien pacifique comme acier au nickel pour balancier.
Mis à part l’apport essentiel aux progrès de l’horlogerie et de la chronométrie, comme mentionné sur la plaque de bronze, l’Invar a beaucoup contribué aux progrès de standardisation du début du 20e siècle.
En fournissant à chaque atelier des appareils de mesures stables, en garantissant que les relevés soient les mêmes à Stockholm qu’à Fleurier ou ailleurs, la contribution du prix Nobel de physique 1920 reste essentielle cent ans après.
Homme assidu au travail, Charles-Edouard Guillaume est décédé à Sèvres peu après sa retraite.
Il est enterré dans le cimetière de son village natal. Quant à sa famille, depuis la France, elle revient souvent pousser la porte de la maison de Fleurier, là où est restée fixée une petite plaque de laiton avec l’inscription Charles-Edouard Guillaume.
Boucherie H. Pellaton fils, Couvet, 1929. A noter, la distinction entre viande de boeuf et viande de vache.
Nous sommes heureux, cette année encore, de pouvoir vous dévoiler une partie de nos collections iconographiques. 2020 sera le temps de vivre des scènes de la vie quotidienne de notre Vallon. Tous vos souvenirs sont les bienvenus, écrivez-nous à : info@mrvt.ch
Margaretha Kummer venue parfaire sa formation en économie familiale auprès du pasteur Perretgentil à Môtiers durant l’été 1924
La photo, qui semble représenter une ferme en altitude, a été trouvée parmi d’autres dans une enveloppe adressée en 2003 à notre ancienne conservatrice, Laurence Vaucher. L’enveloppe contient également une lettre de Mme Veronica Beroggi expliquant la présence de sa mère au Vallon. Quant aux autres photographies, il s’agit de portraits, notamment du couple Perretgentil.
Accident de l’aviateur vallonnier Louis Martin à Môtiers en juillet 1936
Photographie faisant partie de notre collection « Petitpierre ». Elle a été collectionnée par André Petitpierre, homme politique et ancien conservateur de la Société du Musée de Fleurier.
Carte postale représentant la place de la gare à Noiraigue, en 1920. Course de vélo ? Inscrit au verso « S. Jeanneret, 1920 ».
Fête de tir aux Bayards en 1899, collection Petitpierre
Entre Môtiers et Fleurier avant la correction de l’Areuse, sans date, Collection « Petitpierre »
Abbaye de Môtiers le 24 mai 1894
Acteurs de « la Littéraire » jouant la comédie « Un chapeau de paille d’Italie » à Couvet fin mars 1925, collection « Petitpierre »
Abattage d’arbres au jardin public de Couvet en 1954
Partie de cartes au Café du Stand de Fleurier entre M. Gétti, M. Lambelet et Mme et M. Matthey, sans date
Maison d’Alphonse-Gustave Loup à Môtiers. Toute sa famille pose, c’est certainement lui contre la barrière, sans date
Groupe de gymnastes posant en marge d’une des fêtes de gymnastiques se déroulant à Couvet, années 20 ou 30
Henri Biolley dans son élément de prédilection : la forêt jardinée. Celle de Couvet est son laboratoire d’expérimentation dès 1890
Henri Biolley était sylviculteur et inventeur de ce concept de développement durable de la forêt. La forêt de Couvet est la première en Suisse à bénéficier d’un tel traitement : « Le principe de cette gestion repose sur le fait que dans toute culture, la récolte se constate et ne se décrète pas; pour la forêt, cela signifie observer les peuplements, déterminer l’accroissement et contrôler l’évolution afin de déterminer quel volume de bois le sylviculteur peut récolter sans mettre en péril l’outil de production ».
Jean Weibel, gérant de la boucherie sociale de Couvet, en novembre 1953. Monsieur Weibel a été photographié à l’occasion de ses 30 ans de service.
Serait-ce un facteur au travail accompagné d’un garçon rentrant de l’école ? Sans date, collection « Georges Blanc », série « gens du Vallon »
Une équipe du Hockey Glace Couvet en 1957 pour le 20e anniversaire du club
Ouvriers traitant le curage de l’Areuse, sans date
Promotions, 6 avril 1955, peut-être à la salle des fêtes de Couvet ?
Pommes de terre chez Dubied, 1940-1945
Un cliché accompagnant cette photographie et représentant une vue de Plancemont, peut nous laisser penser que ces personnes y habitaient.
Le Général Guisan avec le Commandant de Corps Jules Borel lors du Souvenir aux Mobilisés à Couvet en septembre 1946
Grand-Rue de Couvet décorée pour la fête cantonale de gymnastique de juillet 1929
Match de lutte suisse opposant Lardon à Colliard le 22 juillet 1945
Monsieur Jacot, sellier à Couvet, devant son atelier en 1951Le Musée régional du Val-de-Travers possède son atelier, que l’on pouvait voir dans l’ancienne muséographie du Musée des Mascarons.
Ecole secondaire de Fleurierà la Rue du Temple, classe des filles, datée 1904 à 1907
Fritz Berthoud, président de la Société du Musée de Fleurier de 1872 à 1890
Le Musée régional du Val-de-Travers émane de la Société du Musée de Fleurier, créée en 1859. La séance de fondation de la société comprend 14 hommes, tous provenant de professions influentes. Ceux-ci ont pour but de mettre en place un foyer de vie intellectuelle et d’instruction mutuelle pour la localité en traitant de questions d’histoire naturelle, de science et d’industrie.
Un musée se crée à Fleurier, Courrier du Val-de-Travers du 12 novembre 1859
Afin de parvenir à leur but, les membres fondateurs s’affairent en premier lieu à la constitution des collections du musée. Pour ce faire ils publient des annonces dans le Courrier du Val-de-Travers, ou récoltent chez eux et auprès d’amis voyageurs, des objets qui, isolés, présentent peu d’intérêt, mais qui, exposés, peuvent contribuer à l’instruction.
Ancien emplacement du Musée régional du Val-de-Travers, appelé Musée de Fleurier
La Maison du Pasquier aurait pu accueillir une école d’horlogerie ou un hôpital mais il en a été autrement. En septembre 1865, la Société du Musée de Fleurier acquiert la bâtisse pour y installer : un musée, une bibliothèque et une salle de conférence. Une clause nomme la Commune de Fleurier propriétaire du terrain et héritière des collections du musée en cas de dissolution de la société.
Quelques objets entrés dans les collections du musée il y a plus de 100 ans
Les premiers objets qui sont entrés dans les collections du Musée de Fleurier ont été mis en vitrine sur les conseils de Louis Coulon, conservateur du Musée d’histoire naturelle de Neuchâtel à l’époque. Suite à cette mise en vitrine, il est décidé, en janvier 1862, que le musée peut dorénavant être ouvert au public, tous les dimanches de 11h à 12h.
En 1864, une commission du Musée de Fleurier crée une pépinière à la Caroline
« L’idée fut aussi avancée si notre Société du Musée, au lieu de se procurer seulement une collection de plantes sèches qui aura bien son utilité mais qu’on n’examinera peut-être que rarement, ne ferait peut-être pas une œuvre de la plus grande utilité en formant des pépinières, des collections vivantes de plantes ou d’arbres, soit indigènes ou de ceux dont l’acclimatisation serait à désirer ».
Procès-verbal de la séance du 08 février 1861
Il y avait une piscine à Fleurier, les bains froids, gérée par la Société du Musée
En créant une Commission des bains froids en 1867, les sociétaires ont dans l’idée de proposer aux habitants des bains publics salutaires. En d’autres termes, une piscine est construite aux Sugits à Fleurier ; elle est l’une des premières de Suisse. Notons qu’elle est ouverte uniquement durant la belle saison et si le temps est favorable ; ainsi, certaines années, elle reste fermée.
Après les bains froids, les bains chauds, au lieu de l’actuelle Fiduciaire Reymond
A la fin de l’année 1911, une Commission des bains chauds voit le jour. Il est question d’acheter une bâtisse au centre du village de Fleurier pour y installer des bains chauds. L’acquisition, par obligations, est divisée entre les habitants du village, la Commune et la Société du musée. Avant même la mise en service des bains, des abonnements sont souscrits. Ceux-là rencontreront un franc succès.
Dès 1871, la commission points et chaussés du Musée met en état des sentiers pédestres
Ceux-ci permettent de visiter les sites pittoresques et d’atteindre des points de vue se situant au Val-de-Travers ou dans les environs. Ses membres rendent alors praticables des itinéraires encore empruntés par les promeneurs d’aujourd’hui comme le sentier de la Poëtta-Raisse, les Gorges de l’Areuse, le Mont-de-Sassel, le Signal et le sentier du Chapeau de Napoléon.
La patinoire qu’aurait pu créer la commission patinage avortée dans les années 1880
Le règlement de la Société du Musée est souple. En effet, si l’activité à laquelle est rattachée une commission n’aboutit pas, l’une comme l’autre disparaissent. C’est le cas pour les commissions patinage et glacière. La première ne voit pas le jour et le projet de la seconde n’est pas poursuivi.
La Société du Musée de Fleurier a été l’instigatrice du foyer scolaire, fréquenté dès 1958
Les commissions mises en place par la Société du Musée de Fleurier contribuent à la vie culturelle et intellectuelle du village mais également au bon fonctionnement de la société. Sans elles, diverses œuvres d’utilité publique, encore en action aujourd’hui, n’auraient pas vu le jour.
Un procès-verbal qui annonce un tournant, 12 mai 1942
Même si ce n’est quasiment que 30 ans plus tard qu’est créée l’Association du Musée régional d’histoire et d’artisanat du Val-de-Travers. Le 13 mai 1969 il est temps pour ses membres de se concentrer sur ce qui a fait et sur ce qui fait la région du Val-de-Travers. Il n’est plus uniquement question du musée de la localité de Fleurier, mais d’un musée au caractère plus régional, qui appartient à tous les habitants du « Vallon » et qui explicite la région, au travers de l’exposition d’objets.
Un centre culturel au Château de Môtiers ?
Avec la création, le 13 mai 1969, de l’Association du Musée régional d’histoire et d’artisanat du Val-de-Travers, ses membres souhaitent changer la politique d’acquisition des collections en se focalisant sur des objets susceptibles de retracer l’histoire et l’artisanat de la région. Il est également question de trouver un autre bâtiment pour le musée. Le Château de Môtiers est envisagé, puisqu’il s’agirait d’y créer un centre culturel auquel prendrait part le musée. Finalement, le projet ne voit pas le jour.
Exposer les collections du musée dans les combles des Six-Communes
Les collections du Musée de Fleurier n’étant pas déplacées au Château de Môtiers, le comité de l’Association du Musée régional d’histoire et d’artisanat du Val-de-Travers pense alors exposer les collections dans les combles de la maison des Six-Communes ; ceci, jusqu’à ce qu’il ait l’opportunité d’acheter la Maison des Mascarons et sa grange contiguë le 4 mai 1970. Achat qui n’aurait pu se concrétiser sans la vente de la Maison du Pasquier et des bains chauds.
Nouvelle politique muséographique : offrir un musée régional
Une fois la Maison des Mascarons achetée des travaux y sont conduits et des salles d’exposition aménagées. Une nouvelle politique muséographique se met en place, les membres souhaitent montrer ce qui a disparu et ce qui est en train de disparaître, tout en sauvant une authentique culture régionale.
« […] à l’heure actuelle, un musée doit être un lieu vivant, mobile, attrayant et dynamique, un rendez-vous en continuelle mutation, et non plus un sanctuaire sclérosé que l’on visite une fois et où l’on ne revient jamais ». Rapport du conservateur Eric-André Klauser en 1980
Trois ans de travaux : 2013-2016
De 2013 à 2016, « l’objectif [a été] de rendre le musée plus accessible en toutes saisons (chauffage, isolation), d’améliorer les lieux d’exposition et de faciliter la circulation des visiteurs y compris pour les personnes à mobilité réduite […]. Le but ultime de ce projet [a été] de préserver, valoriser et rendre plus accessible au public le magnifique bâtiment du 18e que constitue la Maison des Mascarons ».
Procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire du 17 septembre 2013
Mise en place d’une nouvelle muséographie
Pendant plus de 40 ans la muséographie du Musée des Mascarons n’a pas, ou peu, changé. Laurence Vaucher, ancienne conservatrice du MRVT, a décidé de proposer une muséographique qui s’intéresse au patrimoine horloger du Val-de-Travers, en mettant en résonance les faits du passé avec ceux d’aujourd’hui.
Vernissage de la nouvelle exposition permanente en novembre 2016
En novembre 2016 le Musée des Mascarons a rouvert ses portes au public. La nouvelle exposition permanente se concentre sur une thématique unique, l’horlogerie, déclinée en huit salles. Une salle jeune public, une salle d’exposition temporaire, des dispositifs informatiques et des textes en trois langues sont dorénavant de mise.
Les Mascarons 1970 – 2019
Les travaux entrepris entre 2013 et 2016 ont également permis un travail de conservation important. En effet, une grande partie des collections exposées, ou stockées dans les combles du musée, ont pu être inventoriés et déménagés dans des lieux de réserve.
Le Séchoir à absinthe de Boveresse, propriété du MRVT depuis 1998
L’achat du Séchoir à absinthe a permis la présentation au public d’une plus grande partie des collections du MRVT et au Val-de-Travers d’éviter la perte d’un bâtiment historique. Y sont exposés de nombreux objets en lien avec la culture et le séchage des plantes utilisées pour la fabrication du célèbre breuvage, ainsi qu’une série de véhicules agricoles et hippomobiles.
La Pension Beauregard de Fleurier, propriété du MRVT depuis 2003
La Pension Beauregard, bâtiment du 17e siècle, ancien café, est l’un des plus anciens édifices civiles conservés au Val-de-Travers. Les transformations intérieures qu’elle a subit ont été pensées par l’architecte Serge Grard. Depuis 2005 y sont conservées une partie des collections du MRVT et proposées diverses expositions d’artistes régionaux.
Benoît Conrath, président de la Fondation du MRVT constituée en décembre 2014
Depuis quelques années les membres de l’Association du MRVT mettaient en exergue le déclin du nombre de visiteurs du Musée des Mascarons, ainsi que sa muséographie restée inchangée durant 40 ans. Il a alors été question de revitaliser le musée de deux façons : en y effectuant des travaux de rénovation permettant de mettre le bâtiment aux normes actuelles et d’y installer un nouveau projet muséographique. Pour cela, le passage d’association à fondation a permis d’assurer une plus grande pérennité et une meilleure solidité juridique au musée.
Une partie des dons reçus depuis 2014 et qui ont maintenant rejoint les quelques 20’000 objets des collections du MRVT
Le passage d’association à fondation en décembre 2014 n’a en rien changé l’une des missions fondamentales de tout musée : conserver. Notre conservatrice-restauratrice reçoit régulièrement des dons de particuliers. Ceux-ci, hétéroclites, enrichissent nos collections et rejoignent nos réserves une fois inventoriés et conditionnés.
Le MRVT c’est aussi une petite dizaine d’événements chaque année depuis 2017
L’un des buts du Musée régional du Val-de-Travers c’est de créer des échanges et des rencontres. Ainsi, notre conservatrice a à coeur de proposer divers événements durant une année muséale. 2019 a été rythmée par une causerie (photo), une exposition temporaire, deux concerts, un afterwork et de l’improvisation théâtrale en plein exposition. Rejoignez-nous pour le dernier événement de l’année : brunch anniversaire et visite guidée le 15 décembre au Musée des Mascarons !
Marie et Louison, conservatrice-restauratrice et conservatrice du MRVT, qui s’occupent des collections et de la vie du MRVT depuis trois ans maintenant
Même si Marie Bourgnon et Louison Bühlmann s’occupent des tâches les plus importantes du MRVT, ce sont plus de 20 personnes qui permettent son bon fonctionnement : Conseil de Fondation (12), Comité des Amis du musée (7), un graphiste, une photographe, trois gardiens et tous les bénévoles qui donnent leur temps pour divers travaux que nos deux jeunes femmes ne peuvent assumer seules.